« Nous avons besoin d’un mouvement social »
Guy Rocher |
J’ai le sentiment que le vent tourne présentement au Québec concernant les écoles privées, tant en matière de financement que de responsabilité sociale. La volonté exprimée par la ministre Beauchamp la semaine dernière sur le rôle que devrait jouer dorénavant les écoles privées dans l’intégration des élèves en difficulté en est un exemple. Madame Beauchamp demande que ces écoles assument une plus grande part de responsabilité sociale dans l’intégration des élèves en difficulté, ce qui n’est pas le cas présentement.
Je participais vendredi dernier à un colloque du CAPRES où le sociologue bien connu Guy Rocher donnait une conférence sur l’évolution et la situation actuelle de l’éducation au Québec. Membre de la commission qui a produit le fameux Rapport Parent, véritable « bible » de la modernisation du système d'éducation au Québec dans les années 1960, Monsieur Rocher est un analyste de longue date de l’éducation québécoise.
Dans une envolée très bien sentie, Monsieur Rocher s’en est pris à ce qu’il considère comme une erreur importante dans notre manière de financer l’éducation au Québec. Il désespère de voir comment on ne valorise pas assez l’école publique et que l’on continue à financer avec des fonds publics les écoles privées. Il a cité à quelques reprises l’article d’Antoine Baby, publié dans Le Devoir dernièrement.
Dans cet article, Baby parle de la publicité trompeuse des écoles privées et de la triple sélection (sélection à l’entrée, sélection en cas d’échec et sélection selon la fortune) opérée par ces mêmes écoles. Pour Guy Rocher, la sélection des élèves par les écoles privées appauvrit de plus en plus les écoles publiques où les élèves sont de moins en moins stimulés.
«... la sélection des élèves par les écoles privées appauvrit de plus en plus les écoles publiques où les élèves sont de moins en moins stimulés.»
Guy Rocher a le sentiment très net que nous faisons un retour en arrière avec cette question du privé en éducation, un retour à une période où les inégalités scolaires en éducation étaient très grandes, où le système d’éducation québécois n’avait pas encore opéré sa démocratisation. Et les données disponibles semblent lui donner raison. En 1961, la part des élèves inscrits dans les écoles privées s’élevait à 19,6 %; en 2008, cette part s’élevait à 18,3 % après avoir chuté à tout près de 5 % dans les années 1970.
Pour Guy Rocher, il faut revoir toute la question du financement de l’éducation au Québec et surtout réduire le financement public des écoles privées québécoises au Québec. Plus encore, il souhaite que les écoles privées soient soumises aux mêmes obligations que les écoles publiques, c’est-à-dire accueillir en autre tous les élèves qui se présentent à leur porte. Enfin, il appelle à la création d’un large mouvement social autour de cette question et il pense que les acteurs syndicaux pourraient être des joueurs importants dans cette aventure.
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Guy Rocher développe semble-t-il cet argumentaire dans des entretiens qu’il a accordé à son neveu François Rocher et qui ont pris la forme d’une publication sous le titre Guy Rocher : Entretiens aux éditions Boréal. Je crois que je vais lire attentivement cet ouvrage.
Source de la photo: Le Devoir
Graphique: Compilation de Jacques Tondreau
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