vendredi 22 octobre 2010

Des milliers de décrocheurs scolaires en moins au Québec

Comment faire parler « autrement » les données statistiques

Comme les oiseaux migrateurs de retour de leur habitat hivernal, à chaque début d'été au Québec, arrivent les résultats aux épreuves uniques administrés par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) aux élèves des écoles secondaires. Le document, qui compile les résultats des élèves par matière (français, mathématiques, etc.) comportait jusqu'à cette année une annexe (l'annexe 10) dans laquelle on retrouvait une estimation du taux de diplomation par commission scolaire et selon le genre.

Ai-je besoin de dire que c'était un document attendu par bien des gens car il permettait aussi de comparer les écoles en fonction des résultats de leurs élèves. Ce sont ces données que l'Institut économique de Montréal ainsi que le Journal de Montréal et le Journal de Québec utilisent pour produire leur palmarès respectif des écoles secondaires.

Ma surprise a été grande cette année car la fameuse annexe 10 avait disparu du document principal. Plus de possibilité de savoir quel était le taux de diplomation et, par la même occasion, d'avoir une idée du taux de décrochage scolaire. Afin d'en avoir le cœur net, j'ai appelé un responsable de la statistique au MELS pour lui demander ce qui se passait. Réponse laconique: «les donnés vont arriver plus tard dans un document à part». Je lui demande pourquoi : «Heu ! bien... vous voyez... c'est que... peut-être...». Finalement, je n'ai pas eu de réponse.

Ce n'est que plus tard que l'on apprenait dans les journaux que le MELS s'apprêtait à utiliser une nouvelle manière de calculer les taux de décrochage au Québec. Auparavant, la mesure du décrochage était établie à partir des inscriptions des élèves effectuées jusqu’à la fin de janvier. Dorénavant, le MELS produira une mesure du décrochage qui prend en considération toutes les inscriptions jusqu’à la fin de l’année. La démarche méthodologique demeure la même, il n’y a que le moment de la lecture des données qui est repoussé de la fin de janvier à la fin du mois d’août.

En agissant ainsi, le MELS se mettait une fois de plus en position d'être vertement critiqué par plusieurs analystes. Certains ont vu là une manière pour lui d’embellir la situation du décrochage et de se servir de cela politiquement pour indiquer à la population que ses initiatives en matière de persévérance scolaire fonctionnent. Je suis convaincu que le MELS utilisera effectivement cela pour se faire du capital politique. Mais ça, c’est de bonne guerre.

Toutefois, je pense que ce débat n’est pas très important. Que le MELS calcule d’une façon ou d’une autre son taux de décrochage scolaire ne fera pas disparaître par magie les jeunes qui décrochent. Et à la limite, le MELS aurait pu utiliser la méthode de calcul de Statistique Canada qui regarde le nombre de jeunes qui n’a pas obtenu de diplôme et qui n’est plus à l’école dans le groupe des 20-24 ans. Avec cette mesure, le taux de décrochage passe au Québec de 25% à 11%. 

Mais si on se compare sur cette base aux autres provinces canadiennes, le Québec est en avant-dernière position dans le classement, ce qui n’est pas la situation idéale, vous en conviendrez. Ainsi, quelle que soit la méthode de calcul, avantageuse ou pas pour l’image du MELS, il est toujours possible de se faire une idée assez juste de la «performance» du Québec en matière de décrochage scolaire.

Maintenant, qu’en est-il du décrochage scolaire au Québec avec la nouvelle méthode de calcul du MELS? Voyons les données.


 


On a donc réussi à diminuer instantanément le décrochage scolaire de 5 points de pourcentage ou autrement dit une diminution de 20%. Sur 28 000 décrocheurs chaque année, cela représente 5 600 jeunes en moins dans les statistiques du décrochage. Voici donc 5 600 jeunes qui n’ont pas encore été diplômés et qui sont toujours sur les bancs de l’école. Obtiendront-ils finalement ce fameux diplôme? C’est une histoire à suivre.

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