mercredi 20 octobre 2010

Trois hormones de croissance pour les réseaux sociaux

Partage, reconnaissance et efficacité 

J’avoue que je suis fasciné et préoccupé à la fois par la montée fulgurante du numérique dans la vie de tous les jours. Les impacts positifs et négatifs des réseaux sociaux restent largement à explorer, notamment en ce qui a trait aux formes de la sociabilité, ces manières qu’ont les gens d’entrer en contact, de communiquer et d’échanger.

C’est à cette tâche que nous convie le dernier ouvrage du sociologue Antonio Casilli: Les liaisons numériques. Vers une nouvelle sociabilité? La sociologie a-t-elle quelque chose à dire sur cette question? Sans doute! Et ce regard porte autant sur la consommation, la santé et la politique que sur l’éducation, l’amour et l’amitié.

L’espace, le corps et le lien social

L’analyse de l’auteur porte sur trois axes: l’espace (rapport au territoire), le corps (photos, avatars) et le lien social (amitié, amour, reconnaissance). C’est sur ce dernier élément que le livre m’interpelle le plus, sur cette possibilité, à travers des liaisons numériques, de «construire une sociabilité forte basée sur des liens faibles».

Pour Casilli, les échanges en ligne ne remplacent pas les rencontres réelles, elles s’y ajoutent. L’ordinateur et Internet modifient certes nos rapports à l’autre dans l’espace public, mais ils transforment également, et de manière significative, nos rapports dans l’espace privé. Éléments technologiques devenus presque indispensables dans la plupart des foyers des pays occidentaux, l’ordinateur et Internet reconfigurent les liens familiaux, les relations de couple, la manière de vivre son célibat.

Donner, recevoir et rendre: le potlatch numérique

Tout réseau social se maintiendrait et évoluerait par le don, et ses utilisateurs sont tenus d’échanger. Ces principes, à la base des liens sociaux dans les sociétés archaïques (donner, recevoir, rendre ou l’obligation d’échanger), continuent d’opérer dans un cadre d’utilisation des technologies modernes: «Un futur utopique a été préfiguré par le passé tribal» dit Richard Barbook que cite Casilli. Ces échanges en réseau, qui renvoient à une logique de coopération, s’opposeraient entre autres à une logique de concurrence, qui est typique du marché.

À cette question du don se greffe deux autres éléments qui permettent aux réseaux sociaux de perdurer: la reconnaissance et l’efficacité. Dans un réseau social, plus on donne, plus on est connu et reconnu. La soif de prestige en pousserait plus d’un à s’investir en partageant. Enfin, un partage abondant et de qualité, qui suscite des commentaires, procure un sentiment d’efficacité.

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Ces quelques éléments tirés de la lecture des premières pages du livre sont éclairants pour mieux comprendre pourquoi les réseaux sociaux gagnent en popularité et pourquoi ils perdurent. Casilli aborde nombre d’autres aspects des liaisons numériques comme la recomposition du militantisme politique, les formes de mobilisation sociale, les amitiés en ligne, etc. J’aurai l’occasion d’y revenir.

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