mardi 9 novembre 2010

La déséducation: une utopie anarchiste?

C’est quoi la déséducation ?

Ce sont seize webépisodes (capsules vidéos sur le Web) d’une quinzaine de minutes chacun et qui portent sur différents aspects de l’éducation prise dans son sens large. Le premier webépisode a été diffusé le jeudi 4 novembre et a porté sur la formation des enseignantes et enseignants. Les autres épisodes seront diffusés tous les jeudis (11 novembre, 18 novembre, etc.) sur le site internet de la déséducation (www.ladeseducation.ca) et sur Youtube. Le jour précédent chaque diffusion, un lancement de la webépisode est organisé. Le lancement de cette semaine se fera au Tam-Tam café à Québec.

Les autres sujets abordés ne sont pas connus. Cependant, si on se fie aux entrevues données par l’auteur et aux commentaires glanés ici et là sur les médias sociaux (Facebook, Twitter, blogues), on devrait y parler des parents, du personnel enseignant, du personnel de direction, etc.

Les huit premiers épisodes décrivent les problèmes en éducation, les huit autres parleront des solutions.Le projet est financé à la hauteur de 65 000 $, dont 5 000 $ provient de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE).

C’est qui la déséducation ?

Mathieu Côté-Desjardins est un jeune enseignant de 26 ans, suppléant à la CSDM. Son projet se construit sur sa désillusion par rapport à sa formation universitaire au baccalauréat en enseignant et à sa déception comme enseignant dans une école. Il travaille depuis trois ans à construire son documentaire et à glaner ici et là des entrevues avec des personnalités québécoises.

C’est comment la déséducation?

La déséducation, c’est d’abord une excellente stratégie de communication qui utilise les médias sociaux pour mousser l’intérêt envers le projet. Officiellement, dès le 27 septembre, un site internet et des comptes Facebook et Twitter ont été créés pour informer du lancement prochain de la série. Et on n’a pas hésité à utiliser un ton racoleur pour stimuler l’intérêt. Par exemple, on dit dans la bande-annonce qu’un « jeune enseignant lèvera le masque d’une des plus grandes supercheries de l’histoire ». Rien de moins.

Et ça marche. Plusieurs blogueux, facebookeux et twitteux d’abord, les grands quotidiens ensuite et la radio-télévision enfin se sont emparés de la nouvelle. La radio/télévision, surtout celle qui fait dans la nouvelle-spectacle, parlait déjà de série-choc (Mario Dumont, LCN, TVA-Canoë), sans même avoir vu un épisode.

Si la stratégie de communication est excellente, le contenu par contre laisse vraiment à désirer. La manière dont l’auteur défini la déséducation laisse déjà entrevoir ce à quoi on pourra s’attendre. Pour Côté-Desjardins, la déséducation c’est « la propagation d’une ignorance programmée et structurée pour tenir les personnes en état d’inconscience ».

Impossible pour le moment de dire comment sera l’ensemble de ce plaidoyer, mais si on se fie au premier épisode, qui a porté sur la formation des maîtres, on peut penser que nous aurons un portrait très noir de l’éducation au Québec. Le contenu du premier épisode était anecdotique, on y a cultivé le fait divers, on a monté en épingle des insignifiances, on a « distorsionné » allégrement ce qui demandait à être nuancé. Si les sept autres épisodes sont de même nature, on pourra dire que nous avons là un portrait fort impressionniste des problèmes en éducation, fondé sur nombre de lieux communs.

C’est pourquoi la déséducation ?

L’auteur des webépisodes est affirmatif sur ce point : il fait tout cela pour stimuler le débat. Peu importe que le traitement de la websérie soit délibérément noir, ce qui importe pour l’auteur, c’est de créer un débat autour de l’éducation au Québec.

Cette volonté de vouloir susciter le débat coûte que coûte est une technique utilisée régulièrement par la droite (ADQ, radio-poubelle, Réseau Liberté-Québec, etc.) pour faire passer ses idées. Le modus operandi est connu : on alerte la population sur l’urgence de revoir nos façons de faire ; on dépeint la situation de façon catastrophique ; on propose ensuite des solutions très simples. En fait, on crée des problèmes fictifs et on offre des solutions simplistes.

Et, nous avons peu de pognes sur cela, dans la mesure où on nous montre les problèmes en premier (les huit premiers épisodes) et les solutions après (les huit derniers épisodes). Ce qui nous oblige à attendre que le portrait soit complètement noirci avant de pouvoir réagir sur les solutions proposées. Très efficace comme méthode de persuasion.

L’exemple du documentaire Waiting for Superman, qui a été diffusé aux États-Unis dernièrement, est emblématique de cette façon de faire. On dépeint l’éducation publique de la façon la plus noire possible, on montre comment l’État et les fonctionnaires de l’éducation sont une bonne partie du problème, on fait peur aux gens et puis on propose la solution qui s’impose : privatiser l’éducation en la finançant avec des fonds publics. En somme, un beau plaidoyer pour les écoles à charte.

Dans le cas de la déséducation, on peut déjà se faire une idée de ce qui sera proposé comme solution : les écoles radicales libres. C’est quoi cette bibitte-là ! Voici le descriptif de l’école libre de Montréal : « À l'École Libre de Montréal, les enfants sont libres de poursuivre leurs propres intérêts, d'explorer à leur rythme et ils participent à une communauté démocratique. Les enfants sont considérés capables de s'autodiriger et d'apprendre par eux-mêmes, ils sont encouragés à découvrir leurs propres désirs d'apprentissage, ils sont encouragés à explorer, questionner, découvrir et grandir ! Les adultes impliqués ont une fonction de mentor, de guide et servent de personnes ressources pour faciliter les projets des enfants. » Les libres enfants de Summerhill, en somme.

Cette initiative est près du courant anarchiste. Dans ce courant, l'école est considérée comme un conditionnement dont il faut se défaire; l'éducation doit se faire en dehors de l'école et elle doit favoriser la liberté individuelle des élèves jusqu'à l'insubordination.

J'aime bien les utopies car elles ont été et sont toujours porteuses d'espoir et de changements (les expériences autogestionnaires, par exemple). En même temps, rien ne me prouve aujourd'hui qu'elles pourraient permettre de régler nos problèmes en éducation.